Et si l'on est pas un tantinet lecteur de l'anglais, alors notre champ d'investigation se réduit d'autant plus.
Néanmoins, il m'a semblé utile de vous présenté ici quelques ouvrages-clés, quelques réflexions intéressantes touchant aux domaines des arts sonore, qui pourraient nous éclairer sur des aspects à la fois historiques et esthétiques.
Cette liste n'étant pas exhaustive, vous pouvez me signaler toute parution, articles, thèse qui vous sembleront pertinentes au sujet des arts sonores. Je compléterai petit à petit cet article par l'ajout de nouvelles ressurces, notamment concernant les articles parus sur internet ou dans des revues.
Carnet d'Ecoute - Phonurgia Nova/Centre Pompidou -
2004 - ISBN 2-908325-09-8
Carnet d'Ecoute a été publié à l'occasion des expositions "Sons et Lumières" et "Ecoute" du Centre Pompidou, présentées
à l'automne 2004. La première était consacrée au dialogue entre l'image et le son, la deuxième (de moindre importance) proposait, pour le jeune public, un regard sur les expérimentations menées
par des artistes et musiciens sur le "matériau sonore". Phonurgia (co-éditeur de l'ouvrage) est une association à but non lucratif qui se consacre à la valorisation de la radio comme espace de
création artistique. Sa vocation est de mettre en valeur le patrimoine d'art radiophonique légué par le 20ème siècle, d'accompagner l'éclosion d'une nouvelle génération d'auteurs et de
transmettre aux plus jeunes un désir d'art sonore. Elle existe depuis 1983 et fut créée à la suite du mouvement de libération des ondes, sur une idée de Pierre Schaeffer.
Tout au long du XXe siècle, depuis les expériences bruitistes en passant par l'invention de la musique concrète, la place du
son dans la création artistique n'a cessé de croître. Au travers d'une sélection d'articles accessibles, Carnet d'Ecoute nous propose de découvrir l'histoire des sons dans l'art et à la radio
telle qu'elle se dessine depuis les années 20. Un livre où le médium radiophonique occupe une place centrale et qui nous révèle à quel point notre environnement auditif quotidien ne se limite
pas à la seule notion de musique. En complément à cet ouvrage collectif dirigé par Christian Leblé, une galerie sonore disponible sur internet nous invite à parcourir une sélection d'œuvres
originales qui témoignent de l'inventivité de l'art audio d'hier et d'aujourd’hui. Les chemins de l'écoute s'offrent à nous au travers de six pistes : l'art acoustique, le documentaire sonore,
la fiction documentaire, l'adaptation littéraire, les phonographies et le radio-mix. A ne pas rater ou à réécouter : la mémorable adaptation radiophonique du roman La Guerre des Mondes d'Orson
Welles qui fit trembler l'Amérique, un certain 30 octobre 1938.
Un Art sonore, le cinéma: histoire, esthétique,
poétique
CAHIERS DU CINÉMA (Paris) Michel Chion
2003 ISBN/ISSN/EAN 2-86642-364-X
Un art sonore, et pas seulement visuel, le cinéma, l'a été dès 1895. Ce livre-somme couvre toute l'histoire de l'expression cinématographique sur plus d'un siècle, avec un accent particulier
mis sur les trente dernières années, celles du Dolby. Tout en accordant une place d'honneur aux auteurs qui ont incarné la grandeur du cinéma sonore (comme Chaplin, Vigo, Hitchcock, Tati,
Tarkovski, etc.), cet ouvrage montre aussi que celui-ci vit dans toutes les époques et tous les pays, et qu'il continue d'évoluer et de s'enrichir avec les nouvelles tendances du cinéma
récent.
Bastien Gallet :: Composer des étendues : l'art de l'installation sonore ::
Ecole des beaux-arts de Genève :: 2005 :: ISBN : 2970047454
Composer des étendues (l'art de l'installation sonore), de Bastien Gallet
est le quatrième ouvrage à paraître dans la collection "n'est-ce pas ?" éditée par l'Ecole supérieure des beaux-arts de Genève, après ceux de Jean-Pierre Vernant, Gaëtane Lamarche-Vadel et
François Barré. Il reprend une conférence donnée par Bastien Gallet le 23 mars 2005 dans le cadre du cycle de conférences "Art et musique, contemporains ?". Bastien Gallet est philosophe,
rédacteur en chef de la revue Musica Falsa et depuis 2003, directeur du Festival Archipel à Genève. Il est également l'auteur en 2002 du Boucher du prince Wen-houei : enquête sur les musiques
électroniques parue aux éditions MF.
"Installer des sons ne veut pas dire faire une installation plastique de sons, mais les disposer dans un lieu. Installer des sons veut dire composer une étendue et sa rencontre avec un lieu. L'installation sonore est musique à condition que l'on comprenne la musique autrement, non plus comme l'art des sons, mais comme l'art des étendues (et des durées) sonores, en relation avec des lieux dont elle dispose ou qu'elle invente".
Après avoir défini et délimité la notion d'étendue, l'auteur articule son essai autour de quelques mots clefs : répercussion, installation, interagir, se différencier, apparition, images sonores, musique. Autant de jalons ou de mini-chapitres pour avancer dans une démonstration riche en enseignements, qui a le mérite de s'appuyer sur des exemples concrets et de baliser ce que l'on appelle (faute de terme réellement approprié) Klangkunst, Sound Art ou encore installation sonore.
Un ouvrage de 57 pages, tiré à seulement 800 exemplaires.
Michael Nyman :: Experimental Music - Cage et au-delà ::
Editions Allia :: 2005 :: ISBN 2844851916
Experimental Music : Cage and beyond a été écrit entre 1970 et 1972, publié pour la première fois en 1974 et réédité en
1999. La traduction française pour cette seconde édition aux éditions Allia, est l'œuvre de Nathalie Gentili.
Avant toute chose, il convient de délimiter la notion subjective de musique expérimentale, ce que fait de manière très singulière Brian Eno dans l'avant propos de l'ouvrage : A l'extrémité sensuelle, il y avait La Monte Young et ses interminables morceaux à note unique, Terry Riley et Charlemagne Palestine et leurs répétitions tonales, Steve Reich, Philip Glass et leurs œuvres cycliques et viscérales. A l'extrémité spirituelle, on trouvait Christian Wolff, Cornelius Cardew et le Scratch Orchestra, Gavin Bryars et l'école anglaise - produisant souvent une musique quasi silencieuse, propice à la réflexion. Au centre, et dominant tout le reste, trônait John Cage dont le merveilleux livre "Silence" avait donné le véritable coup d'envoi du mouvement (sic).
Ecrit au cœur même de la révolution "expérimentale", ce livre saisit parfaitement l'esprit du moment et notamment cette volonté de briser les carcans du sérialisme européen et de l'avant-garde dominante d'après guerre, représenté par des musiciens tel que Boulez, Kagel, Xenakis, Stockhausen ou encore Berio. Michael Nyman décrit et développe ce qu'est la musique expérimentale et s'attarde sur les origines et les principes d'un mouvement résolument anti-académique qui s'étend de 1950 à 1970. Son analyse s'articule autour de sept chapitres :
1- Vers (une définition de) la musique expérimentale
2- Antécédents
3- Inauguration 1950-1960 : Feldman, Brown, Wolff, Cage
4- Voir, entendre : Fluxus
5- Systèmes électroniques
6- Indétermination 1960-1970 : Ichiyanagi, Ashley, Wolff, Cardew, Scratch Orchestra
7- Musique minimaliste, détermination et la nouvelle tonalité
Parmi les compositeurs "expérimentaux" référencés dans l'ouvrage, on retrouve en bonne place et à des degrés divers : AMM, Robert Ashley, George Brecht, David Behrman, Earle Brown, Gavin
Bryars, John Cage, Cornelius Cardew, Alvin Curran, Morton Feldman, Philip Glass, Christopher Hobbs, Toshi Ichiyanagi, Terry Jennings, Takehisa Kosugi, Alvin Lucier, George Maciunas, Richard
Maxfield, Grodon Mumma, MEV, Nam June Paik, Max Neuhaus, Michael Parsons, Tom Philipps, Portsmouth Sinfonia, Steve Reich, Terry Riley, Frederic Rzewski, Scratch Orchestra, Howard Skempton,
Sonic Arts Union, Richard Teitelbaum, John White, Christian Wolff et La Monte Young. Autant d'artistes, de musiciens ou d'interprètes d'une tradition expérimentale essentiellement
anglo-américaine qui ont tour à tour, par leurs attitudes radicalement novatrices à l'égard des concepts d'œuvre musicale, de notation, de temps et d'espace, entrepris de bouleverser en
profondeur les rôles du compositeur, de l'exécutant, de l'auditoire. A cette énumération, il convient de rajouter deux, parmi les plus remarquables, compositeurs pré-expérimentaux : Charles
Yves et Erik Satie.
Ce livre de Michael Nyman demeure encore aujourd'hui, une source fondamentale d'informations sur une éthique musicale qui ne s'intègre ni à la tradition musicale classique, ni aux orthodoxies
d'avant-garde A part l'avant-propos de Brian Eno, la préface de cette seconde édition, une bibliographie et discographie sélectives revues et augmentées lors de la réédition anglaise de 1999,
le cœur de l'ouvrage n'a, quant à lui, subit aucune mise à jour et se présente donc tel qu'il parut en 1974.
Radio Rudolf Arnheim |
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Les essais théoriques sur la radio ne sont pas nombreux. |
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Rudolf ARNHEIM |
Presque rien avec Luc Ferrari ::
Jacqueline Caux :: Éditions Main d’œuvre :: 2002 :: ISBN : 2911973046
Jacqueline Caux, collaboratrice à la revue Art Press est l'auteur d'un livre sur Luc Ferrari (1929-2005), l'un des pionniers de la musique
concrète auprès de Pierre Schaeffer et de Pierre Henry. Composé d’entretiens, mais également de textes inédits et d’autobiographies imaginaires de Luc Ferrari, l'ouvrage nous entraîne dans
l'univers d'un musicien à la fois attachant et insaisissable.
En 1958, Luc Ferrari rejoint le Groupe de Recherches Musicales et invente la musique "anecdotique", un dérivé de la musique concrète où se superposent et se télescopent des sons empruntés à la
vie quotidienne (Hétérozygote, Presque rien). Attiré égalment par la répétition, il composera la série des Tautologos en 1961. Successivement professeur de composition à Cologne en 1965, puis
de musique expérimentale à Stockholm en 1966, Luc Ferrari distille son savoir dans des émissions radiophoniques ou télévisées sur la musique concrète ( "Les Grandes Répétitions" : série de
films sur la musique contemporaine). Plus récemment, du haut de ses 75 ans, Luc Ferrari se dirige vers l'improviation collective, aux côtés des platinistes ErikM et DJ Olive.
Originalité, singularité et ouverture permanente, voilà ce qui pourrait définir la carrière de cet insatiable sculpteur de sons, défenseur de la pluridisciplinarité artistique, qui refuse d'être cantonné dans une théorie unique.
Véritable traqueur de sons infatigable, ces entretiens nous éclaire sur son besoin incontrôlable de quitter les sentiers balisés de la musique électroaccoustique. Théâtre musical, art radiophonique, installations, musique anecdotique, nouvelle musique électronique, le livre de Jacqueline Caux a le mérite d'aborder le parcours de Luc Ferrari dans sa globalité. Une discographie et de nombreux liens internet viennent compléter cet ouvrage abordable et très enrichissant.Le Sonore et le visuel
de Jean-Yves Bosseur
Art Pub Inc (Dap) (1 novembre 1992)
ISBN-10: 2906571237 ISBN-13: 978-2906571235
En 1992, année de parution de Le sonore et le Visuel, les œuvres associant ces deux formes d’expression suscitaient des analyses très différentes dans les publications spécialisées. Le recueil d’articles Sound by Artists, par exemple, soutenait que ces œuvres connues sous l’appellation d’art sonore ne constituaient pas un domaine à part entière, puisque l’utilisation du son était couplée à d’autres médias. Il n’était donc pas possible de cerner un groupement homogène d’artistes sonores, comme pour d’autres pratiques artistiques. Ainsi, les œuvres évoquées dans ses pages sont très diverses, allant de machines produisant des bruits à des espaces architecturaux sonorisés, en passant par des représentations visuelles de la musique, des œuvres radiophoniques et des performances. Le catalogue Echo, par contre, y opposait une vision restrictive du sujet : les œuvres associant un élément visuel à des sons considérés pour leurs qualités physiques (et non pas musicales) y étaient décrites. L’évocation visuelle du son en était exclue, tout comme les performances et les œuvres visuelles auxquelles on aurait rajouté du son, trop éloignées des préoccupations d’un art proprement sonore.
Le sonore et le visuel adopte lui une approche moins restrictive que ce dernier, tout en étant plus synthétique que Sound by Artists. Premier ouvrage en son genre en français, il retrace les origines et les influences de ces œuvres qui échappent aux divisions académiques, les mettant en perspective dans l’histoire de l’art contemporain. Rédigée à une époque où l’art sonore était marginalisé par les institutions artistiques et méconnu du grand public , cette analyse assortie d’entretiens avec les protagonistes majeurs de l’époque, a aussi une valeur de manifeste. On peut toutefois regretter que l’auteur ait traité aussi d’oeuvres exclusivement visuelles comme les partitions graphiques “musicales”, ce qui atténue un peu son discours sur un art qui se situe au-delà des catégories conventionnelles. Dès l’avant -propos, l’auteur énonce l’objectif de son ouvrage : excluant toute œuvre basée sur le principe de l’analogie,comme un tableau évoquant une composition musicale, ou de la musique qui s’inspire d’une œuvre picturale, celui-ci tentera de rendre compte d’artistes pour lesquels “l’espace sera envisagé comme une dimension à part entière d’un projet musical et le temps deviendra une composante concrète d’un travail plastique...” Car en intégrant dans la même œuvre la temporalité inhérente au son et la dimension spatiale du visuel, les artistes sonores déjouent ces catégories. Ils créent un nouvel art au-delà de l’opposition espace-temps qui prolonge, interpelle, dépasse et redéfinit les problématiques de l’art visuel contemporain. Ainsi, la Dream House du compositeur et artiste Fluxus La Monte Young, évoquée dans le chapitre “Espace, architecture”, déjoue les contraintes temporelles du son en proposant une musique qui peut évoluer indéfiniment.
En outre, cette musique est jouée dans un espace architectural qui prend son existence dans le temps, car ce lieu propice à la méditation a été pensé comme un organisme vivant, avec un vie et une tradition qui lui sont propres. Est également évoqué dans ce chapitre Iannis Xenakis, le compositeur-architecte qui synthétisait dans ses Polytopes la lumière, le son et l’espace dès les années 1960. Dans ses œuvres, les effets de lumière tiennent étroitement compte des structures sonores, mettant en valeur les parallèles entre le sonore et le visuel, entre le temps et l’espace : les masses d'événements sonores convoquées dans sa musique sont comparables à des masses d’événements visuels (comme des points qui s’alignent ou s’éteignent ensemble), tandis que la succession des instants dans le temps correspondrait à une ligne droite.
Le chapitre intitulé “Intermedia” présente des productions artistiques tout aussi riches en enseignements: des œuvres dont les composantes sont interdépendantes. La prolifération des œuvres multimédia suite au premier happening organisé par John Cage au Black Mountain College en 1952 a rendu nécessaire la désignation intermedia, pour différencier ces œuvres des travaux multimédia qui se bornaient à superposer les éléments visuels et sonores les uns sur les autres. L’installation Times Square de Max Neuhaus est un exemple d'œuvre intermedia qui remet en question la domination du visuel sur l’audition: même si l’audition est moins matérielle et consciente, elle joue dans cette œuvre un rôle bien plus important. En plaçant des sons électroniques évoquant un orgue dans un environnement urbain bruyant, cette installation détourne l’attention du spectateur du bruit environnant, provoquant en lui une sensation de calme et de tranquillité et donnant l’impression d’avoir transformé l’environnement visuellement, bien que cela ne soit pas le cas. Neuhaus avoue aimer la contradiction qui jaillit lorsqu’on place une œuvre purement sonore dans un environnement visuel car “cela crée un phénomène de déplacement qui nous oblige à nous interroger (...) et à penser les choses à nouveau.” Quant aux œuvres du pionnier de l’art vidéo Nam June Paik,elles intègrent des appareils électroniques audiovisuels utilisés au même titre qu’un matériau plastique, qui illustrent le principe de l’interdépendance du son et de l’image: dans Participation TV, par exemple, le spectateur crée une image de sa parole sur un écran en parlant dans un microphone
Les sculptures sonores proposent également des possibilités d’interaction entre le visuel et le sonore qui dépassent les préoccupations de l’art visuel. Takis, par exemple, créait ses sculptures sonores pour l’endroit où elles étaient présentées, transformant l’espace d‘exposition en un phénomène musical. Ses œuvres questionnent non seulement la notion de sculpture mais aussi les bases de la musique par l’utilisation de bruits et la génération de sons aléatoires.
Un chapitre entier est consacré à John Cage, dont l’importance est capitale puisqu’il a ouvert la voie aux œuvres multidisciplinaires dès les années 1950 et constitue encore une référence pour les artistes évoqués dans ce livre. Cage ne réclamait pas la fusion des différents arts ou la Gesamtkunstwerk, mais prônait la convergence et la coexistence des différentes disciplines : l’art devait être aussi fluide et déstructuré que la vie quotidienne. Comme il l’indique dans le long entretien en fin de chapitre, la séparation des différentes disciplines est essentielle pour que l’expérience du spectateur restevéritablement riche et multiple. AInsi, lors des collaborations de Cage et Merce Cunningham, musique etdanse s’interpénètrent tout en gardant une distance, se déroulant simultanémentmais sans parallèles ou lien. D’ailleurs, en séparant les différentes pratiques artistiques, Cage a rendu possibleleur redéfinition: c’est après avoir été libéré de la musique, que l’art chorégraphique a pu s’interroger sur ses fins et ses moyens. L’héritage de Cage se retrouve dans lesentretiens avec les autres artistes :questionné sur son rapport au sonore et au visuel, et sur les motivations qui l’ont conduit à les associer, le musicien/plasticien Milan Knizak affirme qu’il ne détermine pas de manière précise les relations entre le visuel et le sonore dans son travail, mais laisse les événements se produire. De même, le compositeur et artiste visuel Francis Miroglio déclare ne pas être tenté d’établir des correspondances strictes entre une couleur et un timbre donnés. Puisque ceux-ci ne seront jamais que subjectifs, il mise plutôt sur les contrastes et oppositions entre deux domaines autonomes.
Cependant l’auteur traite aussi d’oeuvres visuelles sans son dans cet ouvrage. Il remet ainsi en question sa propre définition et revient sur des questionnements abordés par l’art visuel. Le chapitre intitulé “L’oeil et la notation musicale” par exemple, aborde la notation, qui permet de représenter la pensée musicale de manière visuelle. Des partitions évoquées ici renouvellent ce rapport en exprimant des paramètres non prévus par le solfège classique et en mettant celui-ci en question par l’utilisation d’indications écrites ou de signes graphiques, qui agissent comme des catalyseurs pour une interprétation libre. Mais qu’est-ce qui distingue ces signes d’un tableau évoquant de la musique, un cas de figure qui a été expressément exclu par l’auteur dès l’avant-propos? Il en va de même pour le piano à queue enveloppé de feutre de Joseph Beuys, qui suscite lui aussi la sensation du son ou de la musique sans en produire. Les œuvres mettant en scène des disques sont dans le même cas. Par contre, un disque qui a des qualités plastiques et produit également du son, fait appel et au sonore et au visuel. La brokenmusic de Milan Knizak , constituée de disques rayés ou cassés produisant des sons, en est un bon exemple.
La question de la définition de l’art sonore se complique davantage lorsqu’ on se penche sur les interventions du groupe Fluxus, évoquées dans le chapitre“Intermedia”. Car certaines compositions de La Monte Young sont de nature plutôt conceptuelle que sonore, comme La Composition 1960 #5 , qui se borne à des instructions écrites proposant au public de lâcher un papillon dans le lieu de la performance. Mais à part le fait que ces sons ne seraient pas audibles si on transformait ces instructions en acte, peut-on qualifier cette œuvre consistant en une prescription de sonore ? A propos de Oracle de Robert Rauschenberg, également évoqué ici, on peut objecter qu’il s’agit d’un artiste visuel qui a rajouté du son à son œuvre, ce qui ne va pas dans le sens d’un art proprement sonore. Il en va de même pour les Lettristes, dont les interventions relèvent plutôt de la performance et de la poésie.
Ainsi,l’ouvrage traite aussi d’oeuvres qui utilisent le son de manière accessoire,contrairement à son intention. Cette démarche peut peut-être se justifier àla lumière du contexte artistique de l’époque, car le concept même d’un artsonore était alors âprement discuté. En effet, l’art sonore a longtemps été rattaché à la musique - et ce depuis les Futuristes. Comme le remarque Dan Lander: “Le bruit est considéré par Russolo pour ses qualités expressives (...), cequi limite les possibilités d’un art sonore autonome (...).” Cependant ce n’est pas pour autant que l’art sonore a été bien perçu par le milieu musical. Rejeté par celui-ci car utilisant des bruits et des sons non-musicaux,il était aussi marginalisé à l’époque par les institutions artistiques, à cause de son refus de respecter les limites - traditionnellement visuelles - de l’art. Ainsi, en présentant des œuvres visuelles reconnues évoquant le son, l’ouvrage pouvait rendre plus acceptable en 1992 la nouveauté des œuvres sonores. D’ailleurs, c’est en considérant les sons pour eux-mêmes et en leur laissant leur autonomie, que l’art sonore allait pouvoir s’émanciper de la musique et devenir une pratique artistique distincte - ce qui est finalement arrivé quelques années après la publication de Le sonore et le visuel .
En exposant l’évolution de l’art sonore, cet ouvrage a contribué à sa compréhension et à sa reconnaissance: pour cela, il reste une référence. C’est une démarche qui a d’autant plus de valeur qu’elle s’est produite quelques années avant les grandes expositions d’art sonore allemandes Sonambiente et SoundArt 95 et à un moment où les travaux interdisciplinaires étaient encore difficiles à accepter. Aujourd’hui, cet ouvrage qui défendait un art nouveau est d’autant plus précieux et instructif.
Sources - Notes de lecture de Rahma Khazan site Vibrofile
Sonic process, une nouvelle géographie des sons ::
Christine Van Assche :: Editions du Centre Pompidou :: 2002 :: ISBN : 2844260985
"Sonic process, une nouvelle géographie des sons" est le catalogue de l'exposition, éponyme qui s'est déroulée au
Centre Georges Pompidou du 16 octobre 2002 au 6 janvier 2003. Cette manifestation arrivée de Barcelone, a fait escale à Berlin, Athènes et Rome pendant l'année 2003. Elle présentait les
dispositifs hybrides des musiciens ou plasticiens/musiciens suivants : Doug Aitken, Coldcut, Richard Dorfmeister, Ruper Hubert, Gabriel Orozco, Flow Motion, Mike Kelley, Scanner, David Shea,
Renée Green, Tosca. Un état des lieux captivant, mais malheureusement non exhaustif de la nouvelle géographie des sons.
Le catalogue, est d'ailleurs plus intéressant que l'exposition en elle-même ! Etabli sous la direction de Christine Van Assche, il propose une analyse théorique sur les pratiques artistiques actuelles dans les domaines de la musique électronique, les connivences entre arts visuels et paysages sonores contemporains. Les différents sujets de réflexions, qui composent cette publication sont menés par des musiciens, des philosophes, des critiques d'art, des sociologues et différents acteurs du domaine de la culture électronique (Diedrich Diederichsen, Christophe Kihm, Kodwo Eshun, Ulf Poschardt, Jacques Rancière, David Toop, Nicolas Bourriaud...). Sur 311 pages, Sonic Process fait un cliché précieux de la place occupée par le son dans les différents domaines de la création. L'ouvrage nous donne une vision globale de la culture électronique, telle qu'elle existe depuis le début des années 90, que ce soit dans le domaine musical, ou dans celui de l'image.
A noter, qu'un CD audio comportant quelques extraits des oeuvres de l'exposition accompagne le catalogue. De plus, il existe un autre album CD intitulé "Sonic Process", différent de celui distribué avec le livre. Edité par Milan Musique, il est composé d'extraits d’œuvres sonores "retravaillés", tout spécialement par les artistes présents à l'exposition du Centre Georges Pompidou.

Silent Music: Between Sound Art and Acoustic Design
de Robin Minard et, Helga de La Motte-Haber
Kehrer Verlag; Édition : Bilingual (septembre 2003)
Allemand, Anglais
ISBN-10: 3933257131 ISBN-13: 978-3933257130
The Canadian composer and sound artist Robin Minard creates sound installations for public spaces. Working in the context of an environment increasingly polluted with noise, Minard aims to stimulate the sense of hearing and to regain neglected synesthetic abilities.
Including two compositions on CD, this book contains the most comprehensive documentation of Minard’s sound installations and compositions since the
1980s.
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CHERCHEURS DE SONS (LES) Instruments inventés, machines musicales, sculptures et installations Texte de Gérard Nicollet Illustrations de Vincent Brunot ISBN : 2 86227 434 8 - 120 illustrations en N&B
Instruments inventés, machines musicales, sculptures et installations sonores, un long sous-titre pour tenter de rendre
compte de la diversité des approches de ce champ musical aussi diversifié qu’inventif. En rapport avec cette diversité, on trouvera ici une sélection d’objets sonores acoustiques,
conçus par trente musiciens francophones contemporains, spécialisés dans le domaine de l’invention sonore. Ce livre s’adresse tant aux non-spécialistes, curieux de découvertes
musicales inédites, qu’aux passionnés de lutheries différentes et de musiques expérimentales, ainsi qu’aux différents professionnels de la pédagogie musicale.
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