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NOUVEAUX LABELS, ARTS SONORES
ET MUSIQUES EXPERIMENTALES
VERS UN ELARGISSEMENT DES ESTHETIQUES
ET DES PRATIQUES


Au coeur de la "tourmente" discographique, des questionnements existentiels liès à la dématérialisation des marchés musicaux, de ses supports de diffusion, à une importante migration vers les tuyaux d'internet, aux nouvelles pratiques de la Creative Commons, des labels indépendants, défricheurs audacieux, creusent allègrement les sillons de nouvelles explorations sonores.
On peut sans prendre de risques, penser que cette option d'indépendance, face à des majors hégémoniques, permet à des musiciens et autres artistes, d'affirmer et de diffuser des esthétiques qui, à n'en pas douter, auraient bien du mal à entrer, et qui plus est à perdurer, dans les catalogues d' Universal, EMI, Warner, Sony BMG...
Ces mêmes courants esthétiques peineraient certainement à s'afficher en tête de gondoles, voire même à prendre place en rayon chez les Virgin FNAC et autres "grossistes".
Cette démarche d'artisans sonores permet donc à la fois de faire du "ce que l'on veut", hors des courants prémachés de l'écoute unique, et d'adapter ses outils et ses stratégies de diffusion, en direction d'audiophiles exigeants, mais vers des marchés commerciaux attenants.
Mais là ne s'arrête pas l'originalité de ces labels, qui incontestablement amènent un vent d'air frais bienfaisant à nos oreilles, parfois engourdies par la frilosité du marché.
En effet, sous l'impulsion d'artistes bien décidés de se faire entendre, et voir, ces nouveaux labels ont élargi le territoire d'action qui leur étaient traditionnellement réservés.
Ils ne sont plus désormais de simples producteurs et vendeurs de galettes sonores, mais très souvent déclinent l'offre en proposant des produits à l'esthétiques, tant sonores que visuelle, très affirmée. Parfois le support, boîtier de disque et  son accompagnement écrit ou iconographique, sont eux-même conçus comme des oeuvres artistiques, n'ayons pas peur des mots. Ces nouvelles approches induisent une complémentarité, une extension, une symbiose dans le meilleur des cas, entre l'entendre, le voir et le toucher, tout à fait dans les mouvances pluri-artistiques actuelles.
Mais ces extentions multimédia vont parfois plus loin encore. Elles participent aujourd'hui activement à une sorte de résurgence de "l'oeuvre globale", du support enregistré jusqu'à l'installation plasticienne, utilisant la matière sonore dans l'aménagement artistiques d'espaces monstratifs. Lieux d'écoute spécifiques, installations acousmatiques, objets ou sculptures associés, parcours d'écoute, toute la panoplie du monde de l'installation peut se greffer à l'oeuvre sonore ou musicale initiale. De l'étui et de son disque que l'on tient dans la main, jusqu'au parcours sonore installé, en passant par la diffusion, la promotion et la vente via des sites internet, le spectateur-auditeur découvrira un panel éditorial aux multiples facettes par ces nouveaux labels.
C'est donc toute la chaîne, de la création sonore ou musicale, en passant par son habillage, sa médiation, ses extensions pluri-artistiques, et jusqu'à ses modes de distribution qui est ainsi revisitée.

Voyons maintenant de plus près deux exemples parmi ces labels, qui sont d'ailleurs fortement liès à la forte personnalité des artistes les ayant créés.

Tout d'abord Optical Sound, le label créé et animé par l'artiste Pierre Beloüin.
Ce label distribue bien évidemment des disques, optant pour une esthétique musicale et sonore à la fois très signée et soignée par ses couleurs sonores, et très diversifiée dans ses courants, entre minimalisme, phonographie, poésie sonore, doux bruitisme, electro expérimental....
On y trouve des oeuvres de Pierre Beloüin, mais aussi d'artistes compagnons de route qui partagent régulièrement ce parcours éditorial, tel que Rainer Lericolais.
Voici la liste des artistes actuellement distribués par Optical Sound.


Cecile Babiole
Pierre Belouin
Serge Comte
Alain Declercq
Pierre Denan
Thierry Weyd
Joel Hubaut
David Larcher
Rainier Lericolais

Edouard Levé
Dorothee Marot
Joachim Montessuis
Ramuntcho Matta
Bruno Peinado
Erich Weiss
Rebecca Bournigault
Jean-Luc Verna
Brice Dellsperger's
Servovalve
Antoine Schmitt
Loig
Digital Baobab
superamas
Atelier Van Lieshout
Ramona Peonaru
Claude Lévêque


Illustrations Optical sound


Le titre même du label faisant référance à la fois au visuel et à l'écoute le laissant présager, d'autres supports sont proposés, tels les DVD, permettant d'inclure des images ou vidéos associés aux sons.
Optical Sound organise également des événements, soirées d'écoute, concerts, performances, rencontres avec les artistes, installations sonores liées à ses productions artistiques, présentation du label dans des centres d'art, participation à des festivals, commissariat d'exposition (currating)...
Les activités de ce label sont donc nombreuses,  toutes tournées vers la diffusion  d'oeuvres sonores de son cru, qui ne seraient certainement que peu visibles sans cette énergie à renouveller les circuits créatifs des arts sonores.


Par exemple cette exposition  "Awan-Siguawinbi-Spemki où des photographies de la petite ville d'Alma au Quebec ont été prises, en même temps que des enregistrements sonores locaux par Pierre Beloüin.
Ces phonographies ont été retravaillées par la suite par plusieurs artistes sonores français du label Optical Sound. Puis les photos ont été tirées grand format et exposées. Les visiteurs pouvaient alors, en les regardant, entendre les bandes sonores qui s'y rapportaient, via des casques individuels.

Ecoutez un extrait de ces pièces sonores ici.


En ce moment même, Pierre Beloüin expose sur une autre thématique, cependant toujours sonore, au
FRAC de Marseille.



Autre label novateur, Sub Rosa, fondé à Bruxelles, à la fin des années 80 par Frédéric Walheer et Guy-Marc Hinant.

Ce label culte, amasseur d'objets sonores hors-normes, est décrit ainsi par Guy-Marc Hinant :

"nous avons voulu constituer un espace de production destiné à éditer des objets. Principalement des CDs. Mais aussi quelques vidéos, de l’hypertexte et, plus rarement, des concerts. Chaque disque est une aventure en soi. Nous explorons principalement deux axes : la musique électronique et samplée et, d’autre part, les archives et documents d’avant-garde. Entre les deux : un certain nombre de projets différents qui sont comme des films sans images "
C'est ainsi que depuis plus de vingt ans, ce label va puiser dans les continuateurs de l'esprit futuriste, dadaïste, suréaliste, la world music, les chercheurs de nouvelles sonorités, les underground sub-urbain, compiler des anthologies de la "Noise and electronic music...
De Michel Chion à Charlemagne Palestine, des Inuits aux fanfares Gypsies, de la réédition de "grands anciens" aux courants les plus actuels, Sub-Rosa est une mine d'or sonore, véritable histoire du sonore à sa façon.
Et ceci contrairement à ce que pourrait laisser présager la formule latine sub rosa qui désigne ce qui est destiné à resté caché, confidentiel. Le label travaille plutôt avec une certaine philanthropie dans sa volonté de faire découvrir et partager l'ancien et le nouveau, souvent placé côte à côte, comme le ferait un commissaire d'exposition cherhant à mettre en lumière les ressemblances ou dissemblances d'oeuvres, dans une thématique qui relèverait ici de l'exposition du sonore. L'accrochage de pièces sonoressur support disque, métaphore empruntée aux domaines muséaux, me semble ici une image tout à fait adaptée à cette action de consevateur-montreur-médiateur, curator dirait on aujourd'hui.


Guy Marc Hinand

D'ailleurs, outre ses talents de dénicheurs de perles rares et d'anthologiste patenté, Guy-Marc Hinand est aussi un critique et historien avisé des arts sonores. Voici le lien d'un texte-définition très intéressant qu'il a rédigé à ce sujet.
Si ce label n'est pas ausi tourné vers des propositions plasticiennes, en termes d'installations, que ne l'est Optical Sound, la qualité des graphismes, des recherches typographiques et de l'esthétique globale des objets-disques n'en est pas moins très soignée. Cette approche esthétisante, dans le bon sens du terme, comme chez de nombreux labels indépendants, fait que chaque disque acheté est un peu un objet de collection, que l'on regarde et que l'on touche avec plaisir, sans compter la pertinence de ces propos et contenus audio.

Cd de la collection Sub Rosa

Voir l'article "Tout son a une image-poids" rédigé sur les spécificités graphiques de sub Rosa, durant une rencontre avec une école d'art bruxelloise.












Tag(s) : #REFLEX'SONS