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PETER BOSCH ET SIMONE SIMONS,
Retrospective d'art sonore
du 19 septembre au 29 novembre
La Tour Du Pin - Isère- France

V
IBRATIONS ENTRE ORDRE ET CHAOS

L'actualité aidant, Espaces Des Arts sonnants consacre aujourd'hui un article à deux plasticiens Néerlandais travaillant et vivant en Espagne : Peter Bosch et Simone Simons.
Ces deux plasticiens ont en effet, depuis quelques années, axé leur travail sur des installations sonores aussi spectaculaires qu'originales.

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Peter Bosch a étudié la psychologie à l'université de Leiden et d'Amsterdam (1976-83) et a poursuivi des études en Sonologie au Conservatoire Royal de La Haye (1986-87).

 
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Simone Simons a assisté le département audiovisuel de l'Académie Gerrit Rietveld Art à Amsterdam (1980-85).

Tous deux vivent et travaillent en tandem, à Valence depuis 1997. Ils parcourent le Monde avec leurs œuvres, glanant ça et là prix et récompenses, mais pour autant, ils ne sont pas  très connus, non seulement du public, mais également des artistes sonores et opérateurs culturels.
Souhaitons que la rétrospective qui leur sera bientôt consacrée comble ce manque de visibilité et contribue à faire connaître le grand talent des deux artistes.


Lignes de force
L'œuvre de Peter Bosch et Simone Simons, sous une apparente diversité, un foisonnement artistique, présente néanmoins des caractéristiques récurrentes, notamment dans la façon de traiter de la chose sonore et de sa représentation visuelle. Voyons,  par quelques mots-clés, comment on peut dégager une logique créatrice qui sous-tendrait l'œuvre sonore des deux artistes et signerait ainsi une forte cohérence dans toute leur production.


Vibration(s), entre ordre et chaos

La vibration, comme une définition primaire du sonore, celle qui se propage, qui transmet de  l'énergie de molécule en molécule, qui fait vibrer notre espace ambiant, jusqu'à notre tympan, est bien ici au centre de la problématique artistique.
Beaucoup d'objets agencés en installations ou sculptures sonores sont mis en vibration, par des moteurs, des procédés mécaniques... La résultante de ces phénomènes vibratoires est non seulement audible (des sons), mais aussi visibles (des mouvements).
La relation cause à effet est ainsi mise en avant, par des installations où l'on peut suivre et comprendre des processus de mise en vibration issus de mouvements, de transmissions physiques au travers de matières et d'objets sonores.
Quand à l'intitulé dichotomique du chapitre, on pourrait avancer que l'ordre est un facteur, entre autre conceptuel et technologique, qui tend à contrôler les installations sonores des artistes, à les maintenir dans un état maîtrisés, prévisibles, dans leur fonctionnement, alors que le chaos se réfère plutôt des systèmes aléatoires, où ni la main ni la pensée de l'artiste n'ont de pouvoir sur le résultat final.
Il est évident ici que l'ordre, issu en grande partie d'une programmation électronique et de la précision des mécanismes et dispositifs utilisés, et le chaos apparent, qui semble régner sur les mouvements spasmodiques des installations, cohabitent et vibrent ensemble pour finalement créer une sorte "d'indécision sonore  poétique", mais néanmoins savament pensée et mise en œuvre.

Art cinétique
Comme nous venons de parler de mouvements, et de visualisations des mouvements, on ne peut échapper à un rapprochement avec l'art cinétique. Après  Tinguely, Takis et bien d'autres, le sonore selon Bosch et Simons s'exprime dans et par des mouvements. Qu'ils soient produits, en tous cas dans les arts cinétiques par un mécanisme, une énergie éolienne, des courants magnétiques, les mouvements deviennent ici générateurs de sources sonores.  C'est ainsi que le spectateur comprend aisément les interactions, les relations de cause à effet dans des mouvements sonores, même si les techniques employées à la mise en branles des énergies ne sont pas forcémment mises en vedette. En effet, le résultat sonore et visuel est me semble t-il privilégié, dans une recherche esthétique à la fois sobre et soignée.

Art, science et technologie
Si l'œuvre de Bosch et simons semble d'une grande simplicité, dans des agencements constitués d'objets du quotidien, de phénomènes acoustiques bien repérables, de mise en espaces semblant aller de soi, il n'en reste pas moins que leurs œuvres ne doivent rien au hasard, et même font appel à des logiques et  conceptions techniques très élaborées.
Le programme informatique, même s'il n'est que peu ou pas visible, joue un rôle primordial. Les commandes de départ et d'arrêt, la gestion des mises en mouvement des mécanismes, le phasage des œuvres entre-elles, le rythme des installations par rapport au lieu, sont des éléments très étudiés et oh combien importants pour bon fonctionnement de l'installation. Les systèmes mécaniques sont conçus pour actionner de façon optimum les sculptures et installations sonores, comme un percussionniste qui recherche le bon geste, la bonne technique, la bonne baguette, pour produire le plus beau son au  moment opportun. Ainsi, des caisses de bois, des sabots ou des bouteilles entrent en vibrations à certains moments et selon de savantes logiques, malgré l'aspect ludique et apparemment imprévisible des installations.
La technologie est donc bien ici un outil caché, au service du rendu visuel et sonore, et non pas un élément  présenté comme pièce maîtresse de l'œuvre, ce qui rend cette dernière d'autant plus accessible à un large public.


Objets du quotidien et trivialité poétique
Si l'œuvre de Peter et de Simone est teintée de charme, d'humour et de  poésie, l'utilisation d'objets du quotidien, les références à une trivialité assumée et travaillée avec soin n'y sont certainement pas étrangères.
Des murs de caisses tremblotantes, des sabots qui avancent en joyeuses bandes sur un tapis roulant et vibrant, des fûts de vin comme de grands instruments résonnants, des fourches de bois qui grattent des des fenêtres, des surfaces de verre ou de métal, des aspirateurs soufflant et chuintant d'étranges mélopées, les objets du quotidien acquièrent une seconde vie aussi agitée que sonore. Sortis de leur contexte, dans des utilisations inhabituelles, les objets connus de tous se révèlent sous un jour nouveau, poétisés, en nous parlant à l'aide de mille sons qui leur sont propres, mais que nous n'entendons pas ou plus dans notre train-train de tous les jours.
Redécouvrir ainsi avec humour et émerveillement les sons détournés d'objets du quotidien semble faire partie des paris de Peter Bosch et Simone Simons.


Clins d'œil (et clins d'oreilles)
L'œuvre des artistes est en fait parsemée de clins d'œil assez explicites, faisant référence, non sans une pointe d'humour, à des traditions et coutumes issues tout à la fois des Pays-Bas, pays d'origine des artistes, et de l'Espagne, leur pays d'adoption où ils vivent et travaillent.
Les œuvres sonores mettent en scènes divers objets du quotidien, tels des caisses de bois, des aspirateurs, des sabots, tonneaux et fourches.
Les caisses empilées évoquent les grands ports hollandais où s'entassent sur les quais des montagnes de containers en transit. Les sabots font clairement référence à la ruralité néerlandaise, où d'ailleurs de nos jours encore, il n'est pas rare de voir se promener des campeurs en sabots de bois, objets d'ailleurs des plus vendus dans les magasin de souvenirs... Quand aux fûts et aux fourches, elles se réfèrent plutôt à l'Espagne viticole et agricole. Ces images campagnardes empruntées de pays du Nord et du Sud sont une façon pour les artistes de rendre hommage à leur pays d'origine, mais aussi à celui qui les accueille actuellement, en faisant se rencontrer dans des espaces  d'exposition deux traditions à la fois fort différentes, mais néanmoins proches dans leurs pratiques rurales.



Descriptions de quelques œuvres emblématiques



Was der wind zum klingen bringt

(Ce que le vent apporte au son) 1989-2003

Cette œuvre imposante est la première grande installation sonore des deux artistes. Elle peut présenter jusqu'à 30 aspirateurs soufflant dans différents tubes de PVC, bocaux de verre, membranes de caoutchouc, selon les espaces investis... Car en fin de compte, ces aspirateurs réunis en un orchestre aussi surprenant que tonitruant, sont utilisés comme des expirateurs. On exploite l'arrière des aspirateurs, par là où ils recrachent l'air aspiré. L'engin domestique se transforme ainsi en joueur d'instrument à vent, telles d'immenses flûtes ou tuyaux d'orgues qui ronfleraient chuinteraient, vrombriraient, siffleraient... Toute une palette sonore est mise en action par la vibration de l'air dans différents récipients et tuyaux. Un système informatique gère les mises en marche et arrêts des appareils, créant un rythme au gré des flux sonores qui, s'ils semblent fonctionner de façon anarchique, sont pourtant étudiés en fonction de la configuration des lieux et du nombre d'aspirateurs. Une sorte d'ode ménagère imposante et poétique, élevant l'objet aspirateur synonyme de corvées, au statut d'instrument sonore. Effet garanti !



Trajectversterker
 (L'amplificateur de chemin, de parcours) 1993-1994

Encore une œuvre drôle et originale, toujours bâtie autour de la vibration. Un chemin matérialisé par une goulotte de bois triangulaire, en hauteur, se voit parcourus par de multiples sabots, petits et grands, qui semblent avancer tout seuls, comme par magie. En fait, le cheminement qui les transporte est mis en vibration par de petits moteurs placés sous le passage des sabots. Ce sont donc ces vibrations qui font avancer en tressautant ce troupeau de sabots toujours en mouvement. Poésie et drôlerie assorties d'une référence évidente aux Pays-Bas émaillent ce parcours qui est en fait pensé comme un amplificateur sonore d'une joyeuse déambulation de sabots. Une façon très ludique de donner vie et de visualiser une transmission d'énergie sonore toute en vibrations.






Krachtgever

(transmettre de l'énergie) 1993-1998

C'est certainement l'œuvre emblématique des deux artistes, celle qui dégage une incroyable force visuelle et sonore, une énergie rayonnante, comme le laisse entendre le titre, tout en affirmant très fort la problématique de la visualisation des ondes sonores, de leurs vibrations dans l'espace. Un mur de caisses de bois, une cinquantaine, est érigé sur une assez grande longueur. Chaque caisse est reliée à sa voisine du dessus ou d'à côté par des ressorts. Ce dispositif permet donc aux caisses de bouger assez librement, selon les mouvements vibratoires impulsés par une série de moteurs placés à la base de la construction. Tout ces mouvements sont pilotés par un programme informatique qui déclenche différents mouvements de caisses, des soubresauts de quelques unes, d'une rangée, d'une colonne, de l'ensemble... faisant ainsi vivre le mur d'incroyables frissons organiques qui se déplacent d'élément en élément. Chaque caisse renferme d'ailleurs des matériaux différents, de façon à sonner du mieux que possible. On atteint là une incontestable maîtrise de la matière, du mouvement, du son, de l'esthétisme, qui font que cette installation est à mon avis l'une des plus forte qu'il m'ait été donné de voir et d'entendre dans le domaine des œuvres sonores  installées.






Cantan un huevo

(Ils chantent un œuf) 2000-2007

Chanter un œuf, étrange titre au regard de cette installation qui ne se réfère nullement ni à l'esthétique d'un œuf, ni à un quelconque son de volatile pondeur.
D'après l'artiste, cette expression signifie, en Espagne, le fait d'un homme qui parle très fort, de façon ostentatoire et quelque peu fanfaronne. Elle peut également se rapprocher de l'expression française " C'est la poule qui a fait l'œuf qui chante". Quand à son rapport avec l'œuvre ?
A priori, la jeune fille des artistes aurait employé cette expression en voyant l'œuvre, et Peter Bosh ayant trouvé que cette dernière sonnait bien à l'écoute l'aurait gardé comme titre.

En fait, c'est au bar d'un bateau qui les ramenait d'Oslo, que les deux artistes ont remarqué les très beaux sons de bouteilles et de verres s'entrechoquant sous l'effet des vibrations des énormes moteurs du bateau.
Ils ont donc tenté de retranscrire ces sons en plaçant, sur une série de sommiers de lits à ressorts, des bouteilles et verres de formes et de taille différentes, certains entiers d'autres cassés. Ces sommiers, un peu comme les caisses de l'installation précédemment présentées, sont mis en vibration par de petits moteurs rotatifs, qui font ainsi chanter délicatement la verrerie tintinnabulante qui les surmonte. Là encore, une programmation informatique gère les mises en marche des sommiers, créant des rythmes entre sons et silences. Aussi finement poétique à regarder qu'à écouter !





Aguas vivas

(Eaux vives) 2001-2007

Encore un titre trompeur, qui se réfère à l'eau alors que la matière liquide employée ici est en fait de l'huile. Cette matière fait référence, pour les artistes, à ces huiles brûlants qui s'échappaient des nombreuses machines portuaires, moteurs, éclaboussant et maculant les quais. Pourtant, rien ici ne vient signifier un univers tâché, sali, il ne reste de l'huile qu'un support servant à montrer une fois de plus la vibration sonore. Pourtant, paradoxalement, que cette œuvre n'est pas, loin de là, la plus sonore de la rétrospective.
Un bac, contenant de l'huile, est secoué par un moteur, faisant trembler la surface du liquide. Au dessus de ce bac, des néons en forme de croix éclairent le liquide, tandis qu'une caméra filme les vaguelettes visuelles résultantes de la mise en mouvement de l'huile. Deux rétroprojecteurs projettent les images de ces vibrations liquides, l'une en arrêt sur image, à un moment donné, l'autre montrant les constantes variations ondulatoires de la surface liquide. Il s'agit là d'une sorte de métaphore visuelle aquatique se rapportant et suggérant  les vibrations du son, idée directrice de cette rétrospective.





Ultima esfuerzo rural

(Dernier effort en milieu rural) 2004-2008

Dernière œuvre, que je vous présente dans une chronologie respectant l'idée de rétrospective, "l'Ultime effort en milieu rural". Si ce titre fait bien référence à des objets de la ruralité montrés dans l'exposition, Peter Bosh a encore une fois aimé tout particulièrement la sonorité des mots prononcés en espagnol, comme un petit poème sonore, haîku venant s'associer et renforcer l'esthétique auditif de l'œuvre.
Cette dernière est d'ailleurs composée en fait de deux œuvres fort différentes, mais réunies par une imagerie visuelle sonore de la ruralité, non plus Néerlandaise comme pour les sabots, mais plutôt espagnole cette-fois-ci.
Une partie de l'installation est constituée de plusieurs fourches de bois, assez anciennes, venant gratter des vitres ou des surfaces métalliques. Cette œuvre à d'ailleurs connu différentes versions, dont une déclinée en installation placée derrière des vitrines d'échoppes. Le spectateur auditeurs découvraient donc , surpris et amusés,  ces fourches de l'extérieur, en passant par la rue sur laquelle donnaient les vitrines. Belle mise en scène pour montrer une œuvre sonore à un maximum de personnes qui ne seraient pas forcément entrer dans un bâtiment pour les voir, et les entendre.
La deuxième partie de cette œuvre est constituée d'énormes tonneaux de vin. Ces derniers sont recouverts, à l'une de leur extrémité, d'une peau comme celles qui recouvrent les timbales, tambours ou autre instrument de percussions. Un piston vient animer d'allers-retours un manche de bois, traversant le centre de la peau. Exités par ces frottements bois contre peaux, les tonneaux émettent alors de doux grognements, comme si les fûts gémissaient doucement, en rêvant au soleil de l'Espagne.



Site des artistes
http://www.boschsimons.com/

Site Le centre du son
http://lecentreduson.info/index.php?page=2009-bosch-simons



Infos pratiques

Dates du 19 septembre au 29 novembre 2009
Vernissage : le 24 septembre 2009 à 18H30
Lieux : Espace Louis Pommier, Impasse Prunelle, La tour du Pin - Isère - France
Ouverture : Tous les jours sauf le lundi
Horaires : de 13H à 18h (Possibilité de visite en matinée pour les groupes à partir de cinq personnes, sur réservation)
Contacts :

contact(AT)lecentreduson.eu
Téléphone: 06 86 60 39 75





Tag(s) : #ARTISTES ET OEUVRES