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L'ARCHITECTURE DU SILENCE

VUE ET ENTENDUE PAR TOM KOTIK

 

Il est souvent difficile, devant l'offre pléthorique d'expositions, d'en choisir une qui offre une ouverture, une réflexion, une problématique pertinente, que l'on puisse présenter, commenter, et qui amène suffisamment de grain à moudre pour les amateurs d'art sonore.


http://accel95.mettre-put-idata.over-blog.com/0/54/69/66/barcelone-barcelona/barcelone-fondation-miro-_1_.jpg

 

Je vous parlerai donc d'une exposition qui a lieu actuellement au sein de la magnifique Fondation Miro de Barcelone du 04 mars au 25 avril 2010, et qui se nomme Arquitectures de silenci, tout un programme.

Cette "construction du silence" est due à l'artiste tchèque résidant à New-York Tom Kotik, plasticien designer et musicien de rock.

Mettre le silence dans le rôle principal d'une ouvre sonore n'est certes pas nouveau. L'incontournable John Cage s'y était déjà attelé avec 4'33, pièce emblématique et quelque peu provocatrice.

On pourrait penser également aux nombreux et parfois longs silences qui émaillent les histoires acousmatiques installées de Dominique Petitgand, comme des prolongements, des respiration, des mises en valeur, ou des non-dits.

 

Mais l'approche de tom Kotik est ici différente, et se positionne sur plusieurs aspects spécifiques.

Le silence est abordé comme un élément physique, quasiment palpable, mais aussi comme un élément éminnement social. Le silence qui construit ou déconstruit des relations humaines, silence complice mais aussi silence comme marque de répression, d'enfermement, d'étouffement, d'atténuation, de suffocation. Silence moral autant que silence physique, entendu sous le prisme de la vibration non entendue, d'une énergie acoustique, de la sensation physique humaine, corporelle. Silence souvent pervers, lourd de conséquences, à l'origine d'une dématérialisation allant vers un vide oppressant, une absence pesante...

 

Deux sortes de pièces structurent l'exposition, celles où le silence est paradoxalement évoqué par une oeuvre sonore, et celles où le silence  est matérialisé en quelque sorte par la seule mise en scène insonore de matériaux acoustiques, de matières isolantes, atténuantes.


Prenons par exemple Rational Impulse (2004). Cette sculpture sonore interactive est composée de deux boîtes insonorisées, gigognées, conçues pour diffuser de la musique rock à un volume élevé, mais cette musique ne pouvant être entendue de l'extérieur, du fait de l'isolation des boîtes, que comme un grondement léger. Quand le spectateur ouvre une à une les boîtes, la musique du groupe de rock de Kotik, lui-même  envahit soudain l'espace d'exposition, s'échappant soudain d'une sotre de boîte de Pandore prison sonore. En contre-partie, la fermeture des boîtes, effectuée en deux temps  provoque un effet très intéressant de suffocation, d'étouffement, où un sentiment de puissance physique est jugulé par une sorte de "construction du silence" répressif.

Le thème de l'enfermement, la parobole d'une parole étouffée est ici implicitement évoqué, comme une sorte d'aliènation capitonnée mais néanmoins violente.

 

 

 

Tom Kotik - Rational Impulse, Detail of sound box, 2004

Rational Impulse, Detail of sound box, 2004
96" x 96" x 40"
Wood, MDF, carpeting, sound proofing, sound

 

 

Tom Kotik - Rational Impulse, 2004

Rational Impulse, 2004
96" x 96" x 40"
Wood, MDF, carpeting, sound proofing, sound


Voir la vidéo

 

 

Une autre oeuvre de 2007 propose une expérience visuelle du silence. La pièce se compose de haut-parleurs, qui  diffusent une  musique infrasonore, dont les fréquences sont donc inaudibles à l'oreille humaine, mais qui  restent néanmoins visibles par le mouvement compulsif des membranes  de HP. Une sorte de vrai faux silence composé de fréquences que nous voyons physiquement sans avoir la capacité de les entendre. Une façon de nous rapeller la limite et la fragilité de nos sens, de notre perception.


Les œuvres les plus récentes tendent à renoncer complètement à l'amplification et à l'usage d'haut-parleurs ou de quelques moyens de diffusion, et à l'usage même du sonore, pour se concentrer sur l'utilisation et la mise en scène de certains matériaux d'isolation acoustique. L'artiste évoque certaines stratégies politiques utilisant  subversivement le silence. Le  projet de faire allusion au silence sans avoir recours à tout type de son est mise en oeuvre dans des pièces plastiques, construites avec l'aide de professionnels concepteurs de matériaux d'isolation acoustique. On trouve également des dessins récents, réalisés en feutre (2009). Ces derniers  contribuent à évoquer une véritable absorption de l'espace sonore, représentée par de grands morceaux de feutres taillés en forme d'amplificateurs, de guitares ou de basses électriques. De cette façon, Tom Kotik  suggère, à travers cette esthétique artistique,  une façon de faire sonner silencieusement l'espace, ou au contraire d'en atténuer ses bruits, sans recourir à aucun son....

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Différentes oeuvres de tom Kotik

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tag(s) : #ARTISTES ET OEUVRES