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PORTRAIT D'ARTISTE
CHRISTIAN MARCLAY


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Marclay, l'artiste protéïforme
Je n'écrirai pas ici une nouvelle biographie de Christian Marclay, il en existe suffisament
sur le web, et beaucoup sont bien documentées .
Je me contenterai de dire que Christian Maclay est né en 1955, en Californie et qu'il a effectué une partie des études à Genève avant de retourner travailler à New-York, tout en continuant une carrière internationale de musicien plasticien performeur.
Définir cet artiste n'est d'ailleurs pas chose facile, tant ses créations empruntent à des courants et à des champs différents, ce qui constitue toute la richesse du personnage et de ses oeuvres.
Bien que présenté comme un chantre de l'électro , il se dit non musicien, et affirme se servir de la musique pour créer des sons. Idée séduisante. En général on se sert des sons pour créer de la musique, et non l'inverse. Cette démarche inhabituelle conduit l'artiste a "démonter" la musique, ses principes compositionnels, ses "tics", ses supports, ses instruments, ses médias, pour faire émerger toute la richesse de ses matières premières, intrinséquement sonores, et remettre en question notre perception des média-sons.
Dans ses nombreuses recherches, la représentation visuelle, voire même sculpturale du matériau sonore est toujours interrogée, ce qui explique qu'il est,  pour beaucoup, un plasticien avant tout, oeuvrant notamment à produire des installations sonores.

Mais l'enfermer dans un seul domaine, celui des arts plastiques sonores, est bien restrictif. Christian Marclay a en effet touché à la musique électro, sans pour autant présenter sur scène, des mixes "classiques", mais en construisant un travail considérable autour du disque-suppport, vinyl ou CD, objet sonore déformable, collable, détruisible, empilable, rayable, piétinable... avec une création très riche, allant du DJ'ying à l'installation sonore.
Il a également, dans la lignée des Fluxus et des happenings à la Duchamp, concocté moult performances, interrogeant les implications sociales du son et la perception que l'on en a.
Par la vidéo, il a encore questionné tous ces rapports, parfois harmonieux, parfois conflictuels, entre les sons et les images, souvent par le montage et l'installation d'images sonores, ou d'images de sons.
Ne se considérant pas vraiment comme un musicien instrumentiste, il s'est fait luthier pour créer ses propres instruments expérimentaux, le plus connu étant le Phonoguitar dont nous reparlrerons plus bas, lui permettant de "jouer" façon Hendrix, non sans une pointe d'humour pasticheuse.
Et on pourrait encore citer de nombreuses investigations, où le monde sonore est mis à nu, à la fois avec une démarche intellectuelle exigeante, mais aussi avec une approche populaire, la rendant accessible à un large public. Rappelons ici que l'adjectif populaire ne signifie pas forcémment populiste; que le populaire n'est pas forcémment synonyme de création au rabais, et de qualité bradée.
Aborder les créations de Christian Marclay de manière exhaustives étant un projet trop ambitieux, devant l'ampleur de la tâche, je m'appuyerai sur quelques vidéos et exemples significatifs de son oeuvre, pour tenter d'en faire sentir toute sa richesse et sa diversité.
La qualité d'image, et hélas du son qui les accompagne n'est certes pas idéale, mais je pense qu'elle sera suffisante pour servir d'illustration et de jalons esthétiques. L'idéal étant bien entendu de visiter ou d'écouter en "live" les créations de Christian Marclay.


Marclay en images et en sons

Le "Mini document" qui suit (en anglais) constitue une courte rétrospective visuelle et sonore où sont abordés les principaux champs d'expérimentation de christian Marclay tels que les mixes et le travail sur la "matière-disque", les performances, les expérimentations vidéos (merveilleux collages autour des téléphones), les installations, la lutherie expérimentale...
Son contenu explicite résumant le caractère polymorphe de l'oeuvre de Marclay se passe donc de commentaires.

 



Performance de mixes et interview, un extrait d'émission de Roulette TV
Cette émission nous montre à quel point la technique DJ de Christian Marclay est bien différente du mixe traditionnel.
La première chose qui nous sautera aux yeux, et  aux oreilles, est que cette musique performative, ou cette exploration sonore, outre le fait qu'elle utilise un grand nombre de platines, des gestes inhabituels dans ce genre de pratiques, et que les sons choisis sont assez  différents de ceux utilisés par d'autres DJ,  n'est surtout pas faite pour la danse. Contrairement à l'immense majorité des productions électros, Christian Marclay travaille le son pour le son, avec des postures expérimentales plus proches de John Cage que de Laurent Garnier, et avec des créations plus diffusées dans des centres d'arts ou de musiques contemporaines que dans des clubs de "dance".
Le choix des matériels, des disques supports analogiques et de leurs palettes sonores, des gestes qui pourraient rappeller ceux d'un interprète de musiques électroacostiques à la console, se démarquent radicalement du DJ'ing, sans pour autant renier ses sources, empruntées à un courant électro-pop. Ce brassage esthétique touche, je l'ai constaté et vérifié lors du festival électro "Nuits sonores" à Lyon, autant les adeptes des arts sonores expérimentaux, que ceux accros aux nuits plus sportives des pistes d'électro-dance branchées.
Christian Marclay est tout à fait représentatif de cette création ouverte, à la fois exigeante dans sa démarche créatrice, dans ses prises de position intellectuelles, et ne perdant pas de vue le côté populaire de la musique. Ne nous méprenons pas ici, populaire n'est pas populiste, et le fait de s'adresser à un large public par la mixité des genres, le fait de puiser à la source de l'électro, ne signifie pas pour autant proposer une création au rabais, tant s'en faut.





Mixed Reviews est une oeuvre vidéo singulière. Elle est à la fois extrèmement sonore tout en étant parfaitement muette !
Cette vidéo nous montre un acteur sourd et muet, Jonathan Hall Kovacs, qui nous conte par la langue des signes des retranscriptions sonores de critiques musicales. Ici, le son envahit littérallement l'espace de cette parole muette mais oh combien sonore ! « le morceau est d’une dissonance pénétrante» nous précise le site de "Video Paris Art", ce qui une fois encore, pose le regard aiguisé de l'artiste sur notre perception des sons et l'originalité des réponses qu'il nous propose aux travers une écoute curieuse et une curieuse écoute.




Screen Play est un autre travail vidéo qui joue sur l'improvisation "live" . Cette performance musicale illustre, ou plutôt accompagne, la projection d'une séquence vidéo. Cette dernière, montage vidéo à base de mini-séquences extraites de films anciens qui sont agencées par un savant collage,  se révèle très implicitement sonore. Les images sont mises en contrepoint avec l'improvisation musico-bruitiste que Marclay propose à des musiciens improvisateurs de la shère expérimentale.  Pour lui, chaque séquence cinématographique, chaque image, véhicule une énergie qui génère à son tour des sons. D'où un rapport étroit et égalitaire entre l'image et le sons. On abordera ici le concept d'image sonore différemment, non pas comme celui des sons entendus qui font naître des images mentales, mais comme celui des images vues qui engendrent des sons joués. Une réflexion intéressante qui fait cohabiter à parts égales sons et images, non pas dans la relation d'un média au service de l'autre, comme serviteur faire-valoir (devinez lesquel ?), mais dans un rapport d'égale réciprocité.
 




Vidéo Quartet, est un excercice de style vidéo et musical. Quatre écrans projettent simultannément des vidéos où différentes musiques sont interprétées par moult musiciens, instrumentistes, vocalistes... Les genres et les styles se télescopent, se bousculent, dialoguent, se complètent, se contredisent... Le résultat est un bouillonnement qui évoque la musique du début du siècle, sans pour autant l'imiter, entremêlant de nombreuses citations sono-visuelles, qui embarquent le spectateur dans un tourbillon multimédiatique. Une autre façon d'envisager le rapport sons-images, cette fois-ci en jouant sur l'effet de mixage et d'une approche sensorielle quasiment saturée.


Vidéo Quartet deux extraits vidéo







Drag Guitar, est certainement l'une des oeuvres les plus emblématiques de Christyian Marclay.
Elle se montre sous la forme d'une vidéo, conservant la trace d'une performance.
En quelques mots, une guitare attachée par une corde à l'arrière d'un véhicule et trainée sur le sol d'un désert américain. Elle et reliée à un ampli puissant, placé à l'arrière du véhicule. Les sons émis par la guitare sont violents, proches de hurlements de douleur et de souffrance.
On pourrait, de prime abord, comparer cette performance à celles des Fluxus martyrisant violons et pianos, dans le but de désacraliser l'art musical aux travers de ses "nobles" instruments. Ces derniers, réduits en miettes n'émettent plus que le bruit de leur destruction.
Mais il serait simpliste de réduire Drag Guitar à ce principe de démolition dadaïste. En effet, l'artiste rend également hommage à la violence et à l'engagement physique de grands guitaristes pop. Mais au-delà, c'est une allusion politique très forte qui est également convoquée. Dans certains Etats Américains, des noirs ont été attachés derrière des chevaux ou des voitures, et trainés à terre jusqu'à ce que mort s'en suive? Et cette guitare dénonce, à la fois par la similitude de son martyr et par ses sons déchirants, ces tortures et meurtres ségrégationistes et racistes.
Dès lors que l'on rapproche l'image de la guitare et celle d'un homme tué violemment, le visionnage de drag Guitar dérange fortement et ne peut plus laisser indifférent.



On citera également Crossefire, où l'artiste joue avec les armes à feu, plus précisément des coups de feu, montant et superposant avec brio une vidéo où claquent des détonnations aussi guerrières que cinématographiques, de Tarentino à Brian de palma, en passant par James cameron...
Et également Up and out, où les images
du film Blow-Up  de Michelangelo Antonioni sont privées de leur bande son originale, et remplacées par celles de Blow Out de Brian De Palma. Cette surprenante manipulation, ce transfuge sonore audacieux, crée des points de rencontre et des discordances innatendues, où le hasard  compositionnel "Cagien" est fortement évoqué.

La matérialité sonore installée selon Marclay
Nous avons déja évoqué le travail de Christian Marclay autour des supports audio enregistrés; mais au-delà de ses performances, ses installations à partir de disques et de bandes sont très spectaculaires.
- Tapis de milliers de disques au sol, que l'on foule du pied, que les semelles rayent, écrasent, et qui sont par la suite réutilisés comme nouvelles matières sonores à (re)composer, avec la trace des visiteurs comprise.

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- Colonnes de disques empilés, sortes de tours de Babel compilant des traces sonores et musicales.
- Rideaux de disques au travers desquels déambulent les visiteurs
- Fontaine sonore alimenté par une interminable bande magnétique "crachée" par un magnétophone placé sur un escabeau...


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Ces installations allient une recherche plastique et sonore exigeante, qui ne cessent de questionner le statut de l'objet sonore, les supports qui véhiculent et conservent la trace des sons, et la perception que le spectateur auditeur peut en avoir.

Le sonore écrit et réinterprété
Christian Marclay a également procédé à une expérience assez intéressante. Il a affiché à travers une ville des centaines de papiers à musique, vierges de toute inscription, si ce n'est les portées destinées, en principe, à écrire la musique.
Les passants ont ainsi pu créer, fortuitement, la future matière qui servira de support pour les compositions de Marclay. Les papiers musique ont été notés, griffonées, froissés, déchirée, tachés... Des notes de musique y éventuellement ont été inscrites. 
Par la suite, ces papiers musicaux récupérés ont été exposés, puis joués par des musiciens improvisant sur les fragments écrits, musicaux ou non.
Art graphique "brut" et aléatoire ont donc été convoqués pour cette performance où le promeneur a été à son insu, l'un des "compositeur" priviégié pour écrire la "musique" aléatoire de Marclay.

La lutherie selon Marclay
Eternel insatisfait, Christian Marclay cherche ses propres outils de jeu. Et s'il ne les trouve pas, il les invente.
Ainsi le fameux phonoguitar, instrument de scratching portable en bandoulière, dont le jeu n'est pas sans rappeller celui des guitaristes. Clin d'oeil aux musicienx pop, Jimmy Hendrix en tête, cet instrument hybride est également une aimable dérision se prétant à toutes les performances fluxusiennes.
...Ghost (I Don’t Live Today) est un hommage à Jimi Hendrix.
« Cette platine portable me permettait de bouger et de m’approprier les mouvements d’Hendrix. J’ai toujours aimé la façon dont il repoussait les limites de son instrument, recherchant de nouveaux sons, même si cela voulait dire brûler sa guitare. »...

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La vision de l'artiste transforme aussi nombre d'instruments "classiques" en aliens injouables, évoquant la musique, ou le son instrumental plus qu'ils ne la produisent, même avec toute la bonne volonté des meilleurs instrumentistes.
On trouvera ainsi des accordéons géants, serpentaires, des tubas mutants, des batteries qui atteignent des sommets, et autres curiosités d'une lutherie déjantée.


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Pour en savoir plus, quelques liens à consulter

Biographie Wikipedia (en)

Expo Revue (Marclay en Avignon)

Arts Visuels - Christian Marclay

Replay - Cité de la Musique (Dossier exposition)

Programme expo

Mouvement - Week-end Christian Marclay (article)

Edith - Christian Marclay ou la représentation du son










Tag(s) : #ARTISTES ET OEUVRES