DU SON,
DES HOMMES
ET DES MACHINES
DYNAMOPHONE, THELHARMONIUM
ET ROUES PHONIQUES
ET DES MACHINES
DYNAMOPHONE, THELHARMONIUM
ET ROUES PHONIQUES
Lorsque l'on s'arrête un instant sur l'histoire du son et de ses machines productrices, on voit combien est
important le rapport hommes-techniques, hommes-technologies, hommes-instruments, hommes-machines, et maintenant hommes-dispositifs et hommes-réseaux.
Après l'amélioration des instruments acoustiques, des modes de jeux par la technologie de nouveaux clétages, on donna à l'instrument de musique, via l'électricité une puissance d'émission décuplée, en même tant que la possibilité d'entretenir le son dans la durée, dans le temps, de façon quasi illlimitée, sans autre énergie physique que celle de la fée électricité.
Rapidement, le son n'eut même plus besoin de sources mécaniques (souffle, frapper, gratter, percutter ) pour naître se faire entendre.
La synthèse sonore était née, proposant au musicien, compositeur, créateur sonore une palette sonore incroyablement élargie, juste en appuyant sur une touche, en manipulant un potentiomètre, en effleurant des tiges métalliques.
Mais refaire ici l'histoire de l'organologie, de la lutherie et de la synthèse sonore est bien prétentieux, d'autant plus que certains s'y sont déjà penché avec talent.
J'évoquerai plutôt ici un instrument spécifique, novateur, allié à une technologie, ou plutôt une somme de technologies, qui rendent cette expérience aussi extraordinaire que captivante, de par son côté jules Vernes, sa démesure, et la folle utopie poétique de son principal protagoniste.
Je ferai ce petit zoom historique car il y a, dans la grande histoire du son, une multitde de petites histoires dont certaines sont véritablement fascinantes, et qui de fait donnent envie d'être racontées encore et encore, avec ses mots propres, ses ressentis personnels.
Commençons par le principal protagoniste de cette histoire, inventeur à l'imaginaire débridée qui donna à la synthèse sonore matière à développer de nouvelles et nombreuses voix de recherches.
Thaddeus Cahill (1867 - 1934), fut donc cet inventeur éclectique du début du XXe siècle. Il
s'intéressa au téléphone, aux machines à écrire au piano, et créa de toutes pièces un instrument de musique révolutionnaire: le Dynamophone ou Télharmonium.
Pour moi, ce n'est pas tant la valeur de l'invention qui m'intéresse, ni même les prouesses techniques qui s'y rattachèrent, que la démesure et le côté romanesque, de cette épopée.
Techniquement parlant, la conception du Thélharmonium fut liée à l'invention de la roue phonique.
Celle-ci fut le moteur d'un des premiers principes de synthèse sonore électro-mécanique, ou électro-magnétique si l'on préfère.

Sans rentrer dans les détails, la roue phonique est une roue crantée sur sa circonférence. Lorsque les crans passent devant un micro associé à un électro-aimant (une sorte de dynamo), ils génèrent des signaux électriques, dont la fréquence dépend de la vitesse de rotation et de leur nombre.
En fait, un cylindre constitué de plusieurs roues phoniques permettait de multiples combinaisons pour pouvoir produire toutes les hauteurs de notes sur différents octaves.
Ce principe fut repris, en miniature, pour l'orgue Hammond, et fit sans aucun doute le succès de son célèbre son reconnaissable entre tous.
Pour en revenir au Télharmonium, cet instrument pouvait jouer des sons sur sept octaves, de 40 à 4000 htz, (comme un piano). Il était polyphonique (pouvait jouer plusieurs sons à la fois ainsi que leurs harmoniques) et possédaient des touches sensibles, capables de restituer une grande dynamique sonore (volume sonore plus ou moins fort). Lorsque l'on sait qu' en 1897, l'amplification électrique n'était pas encore maîtrisée et que cet appareil possédait un système d'amplification grâce à d'énormes cônes acoustiques, on voit là le caractère précurseur de cette fabuleuse machine.
Mais au delà de ce principe électro-magnétique, ce sont les proportions colossales de l'instruments et les défis liés à sa fabrication qui interpellent.
Le télharmonium en chiffres
- 4 ans de travaux pour le montage de la version 2 (1907)
- 50 personnes nécesaires à sa fabrication et à son assemblage,
- Un coût de 200 000 dollars
- Un poids global de 200 tonnes
- 30 wagons pour le transporter par la voie ferrée jusqu’à New York
- De 2 à 4 interprètes executants pour en jouer
- Un immeuble nécessaire à son installation (un hall de jeu et d'écoute et une cave pour en abriter le système mécanique qui était tellement bruyant qu'on devait l'isoler dans une autre pièce).
Du son à sa diffusion à distance
Mais là ne s'arrète pas cette extraordinaire épopée technologique car Thaddeus Cahill, non content d'avoir créer une machine à sons hors-norme, a également inventé le moyen de diffuser ses musiques à distance, de les vendre à distance, de les installer sur un réseau, bien avant Itunes et autres Deezer, et pratiquement 40 ans avant les premières émissions radiophoniques publiques ! L'aire du streaming-media était ainsi préfigurée bien en amont du réseau internet.
Cahill utilisa pour celà un réseau qu'il connaissait bien, celui du téléphone. Le télharmonium était alors installé dans un immeuble de Brodway, qui devint ainsi le Télharmonium Hall. Non seulement on y donnait des concerts, mais on les vendait pour être diffusés dans dans établissements publics distants, via le téléphone.
En 1907, plusieurs cafés, hôtels et musées signèrent des contrats pour recevoir la musique dans leurs locaux, ainsi que quelques riches particuliers. On jouait sur le télharmonium des œuvres classiques (Bach, Chopin, Grieg, Rossinni), qui pouvaient être également diffusées dans la rue.
Mais ce succés d'une technologie avant-gardiste fut bien vite entaché de déboires et de désillusions, liés notamment aux faiblesses des réseaux téléphoniques de l'époque.
En effet, la diffusion des programmes du télharmonium dans les tuyaux téléphoniques perturbait assez fortement les communications téléphoniques. Les émissions "bavaient" comme on dit en transmission sur le réseau. On imagine un usager du téléphone, qui avait déjà du mal à entendre correctement son interlocuteur sur une bande passante des plus réduite qui écrasait les timbres de voix, au milieu des crachottis et autres grésillements, avoir en plus à subir un fond sonore musical superposé à ses paroles.
Cadill tenta en vain d'installer des lignes téléphoniques propres à sa diffusion, entreprise titanesque et utopique, mais ne put jamais résoudre ce problème de cohabitation sonore. Le niveau du signal musical étant beaucoup plus important que celui du téléphone classique, il polluait tout le réseau New Yorkais. Malgré la tentative d’implanter son propre réseau câblé, la société fit faillite en mai 1908 pour disparaître à tout jamais en 1914.
On ne connaît malheureusement aucun enregistrement de cet instrument électrique précurseur. En 1950, un des frères de Thaddeus a tenté de sauver le premier prototype, mais il a finalement été envoyé à la casse.
A noter que le compositeur Ferruccio Busoni créa également une œuvre spécifique pour cet instrument, « Sketch of a new aesthetic of music », que seuls quelques auditeurs de l'époque durent entendre.
Un peut d'ailleurs regretter qu'hormis cette unique pièce, dont on a aucune trace de ce que pouvait être ses sonorités, le Télharmonium n'eut pas le temps, comme le firent ses successeurs Martenot, Theremin, Moog, Hammond... de développer un nouveau langage musical original, propre aux spécificités de sa lutherie novatrice.
Mais peut-être est-ce là ce qui contribue à sa légende et au fait que je trouve cette tranche de l'histoire du son particulièrement savoureuse.
synthemuseum - Site à visiter (en anglais)
Le télharmonium illustré



La salle des machines






Après l'amélioration des instruments acoustiques, des modes de jeux par la technologie de nouveaux clétages, on donna à l'instrument de musique, via l'électricité une puissance d'émission décuplée, en même tant que la possibilité d'entretenir le son dans la durée, dans le temps, de façon quasi illlimitée, sans autre énergie physique que celle de la fée électricité.
Rapidement, le son n'eut même plus besoin de sources mécaniques (souffle, frapper, gratter, percutter ) pour naître se faire entendre.
La synthèse sonore était née, proposant au musicien, compositeur, créateur sonore une palette sonore incroyablement élargie, juste en appuyant sur une touche, en manipulant un potentiomètre, en effleurant des tiges métalliques.
Mais refaire ici l'histoire de l'organologie, de la lutherie et de la synthèse sonore est bien prétentieux, d'autant plus que certains s'y sont déjà penché avec talent.
J'évoquerai plutôt ici un instrument spécifique, novateur, allié à une technologie, ou plutôt une somme de technologies, qui rendent cette expérience aussi extraordinaire que captivante, de par son côté jules Vernes, sa démesure, et la folle utopie poétique de son principal protagoniste.
Je ferai ce petit zoom historique car il y a, dans la grande histoire du son, une multitde de petites histoires dont certaines sont véritablement fascinantes, et qui de fait donnent envie d'être racontées encore et encore, avec ses mots propres, ses ressentis personnels.
Commençons par le principal protagoniste de cette histoire, inventeur à l'imaginaire débridée qui donna à la synthèse sonore matière à développer de nouvelles et nombreuses voix de recherches.

Pour moi, ce n'est pas tant la valeur de l'invention qui m'intéresse, ni même les prouesses techniques qui s'y rattachèrent, que la démesure et le côté romanesque, de cette épopée.
Techniquement parlant, la conception du Thélharmonium fut liée à l'invention de la roue phonique.
Celle-ci fut le moteur d'un des premiers principes de synthèse sonore électro-mécanique, ou électro-magnétique si l'on préfère.

Sans rentrer dans les détails, la roue phonique est une roue crantée sur sa circonférence. Lorsque les crans passent devant un micro associé à un électro-aimant (une sorte de dynamo), ils génèrent des signaux électriques, dont la fréquence dépend de la vitesse de rotation et de leur nombre.
En fait, un cylindre constitué de plusieurs roues phoniques permettait de multiples combinaisons pour pouvoir produire toutes les hauteurs de notes sur différents octaves.
Ce principe fut repris, en miniature, pour l'orgue Hammond, et fit sans aucun doute le succès de son célèbre son reconnaissable entre tous.
Pour en revenir au Télharmonium, cet instrument pouvait jouer des sons sur sept octaves, de 40 à 4000 htz, (comme un piano). Il était polyphonique (pouvait jouer plusieurs sons à la fois ainsi que leurs harmoniques) et possédaient des touches sensibles, capables de restituer une grande dynamique sonore (volume sonore plus ou moins fort). Lorsque l'on sait qu' en 1897, l'amplification électrique n'était pas encore maîtrisée et que cet appareil possédait un système d'amplification grâce à d'énormes cônes acoustiques, on voit là le caractère précurseur de cette fabuleuse machine.
Mais au delà de ce principe électro-magnétique, ce sont les proportions colossales de l'instruments et les défis liés à sa fabrication qui interpellent.
Le télharmonium en chiffres
- 4 ans de travaux pour le montage de la version 2 (1907)
- 50 personnes nécesaires à sa fabrication et à son assemblage,
- Un coût de 200 000 dollars
- Un poids global de 200 tonnes
- 30 wagons pour le transporter par la voie ferrée jusqu’à New York
- De 2 à 4 interprètes executants pour en jouer
- Un immeuble nécessaire à son installation (un hall de jeu et d'écoute et une cave pour en abriter le système mécanique qui était tellement bruyant qu'on devait l'isoler dans une autre pièce).
Du son à sa diffusion à distance
Mais là ne s'arrète pas cette extraordinaire épopée technologique car Thaddeus Cahill, non content d'avoir créer une machine à sons hors-norme, a également inventé le moyen de diffuser ses musiques à distance, de les vendre à distance, de les installer sur un réseau, bien avant Itunes et autres Deezer, et pratiquement 40 ans avant les premières émissions radiophoniques publiques ! L'aire du streaming-media était ainsi préfigurée bien en amont du réseau internet.
Cahill utilisa pour celà un réseau qu'il connaissait bien, celui du téléphone. Le télharmonium était alors installé dans un immeuble de Brodway, qui devint ainsi le Télharmonium Hall. Non seulement on y donnait des concerts, mais on les vendait pour être diffusés dans dans établissements publics distants, via le téléphone.
En 1907, plusieurs cafés, hôtels et musées signèrent des contrats pour recevoir la musique dans leurs locaux, ainsi que quelques riches particuliers. On jouait sur le télharmonium des œuvres classiques (Bach, Chopin, Grieg, Rossinni), qui pouvaient être également diffusées dans la rue.
Mais ce succés d'une technologie avant-gardiste fut bien vite entaché de déboires et de désillusions, liés notamment aux faiblesses des réseaux téléphoniques de l'époque.
En effet, la diffusion des programmes du télharmonium dans les tuyaux téléphoniques perturbait assez fortement les communications téléphoniques. Les émissions "bavaient" comme on dit en transmission sur le réseau. On imagine un usager du téléphone, qui avait déjà du mal à entendre correctement son interlocuteur sur une bande passante des plus réduite qui écrasait les timbres de voix, au milieu des crachottis et autres grésillements, avoir en plus à subir un fond sonore musical superposé à ses paroles.
Cadill tenta en vain d'installer des lignes téléphoniques propres à sa diffusion, entreprise titanesque et utopique, mais ne put jamais résoudre ce problème de cohabitation sonore. Le niveau du signal musical étant beaucoup plus important que celui du téléphone classique, il polluait tout le réseau New Yorkais. Malgré la tentative d’implanter son propre réseau câblé, la société fit faillite en mai 1908 pour disparaître à tout jamais en 1914.
On ne connaît malheureusement aucun enregistrement de cet instrument électrique précurseur. En 1950, un des frères de Thaddeus a tenté de sauver le premier prototype, mais il a finalement été envoyé à la casse.
A noter que le compositeur Ferruccio Busoni créa également une œuvre spécifique pour cet instrument, « Sketch of a new aesthetic of music », que seuls quelques auditeurs de l'époque durent entendre.
Un peut d'ailleurs regretter qu'hormis cette unique pièce, dont on a aucune trace de ce que pouvait être ses sonorités, le Télharmonium n'eut pas le temps, comme le firent ses successeurs Martenot, Theremin, Moog, Hammond... de développer un nouveau langage musical original, propre aux spécificités de sa lutherie novatrice.
Mais peut-être est-ce là ce qui contribue à sa légende et au fait que je trouve cette tranche de l'histoire du son particulièrement savoureuse.
synthemuseum - Site à visiter (en anglais)
Le télharmonium illustré



La salle des machines






